Le Compte Nickel, une banque au bistrot ?

Déc 31, 2015 dans Entreprises

Ouvrir un compte bancaire pour 20 euros chez un buraliste en quelques minutes, c’est le service que propose Compte Nickel depuis bientôt deux ans. L’établissement de paiement annonce plus de 200 000 clients en France, près de 11 000 dans la région. Une alternative pour les exclus du système bancaire classique?

Niché dans un virage, derrière les Près du Hem, le café-tabac de Mireille Coudevylle. Au Bureau, comme à la maison, les clients ont leurs habitudes. À l’heure des courses, on allume les télés, pendant l’apéro, on sort les cartes pour taper le carton… Une clientèle fidélisée mais toujours un commerce à faire tourner, à dynamiser. Comme 53 buralistes de la région, Mireille s’est laissé tenter par Compte Nickel : « On ne deviendra pas riche avec ça mais offrir ce nouveau service, c’est faire connaître l’établissement, c’est faire entrer ici le client. » En trois mois, vingt personnes ont ouvert un compte Nickel au Bureau et quotidiennement des visiteurs viennent déposer ou retirer des petites sommes d’argent. « Des gens de tous les âges, d’ici, de Comines ou d’ailleurs, il n’y a pas de buralistes agréés partout. »

Au lancement, Compte Nickel visait 100000 clients, « son point d’équilibre pour que le service s’autosuffise, selon Ryad Boulanouar, le créateur. On a atteint les 200 000 aujourd’hui ». L’ambition initiale de l’ingénieur de formation ? « Créer un service juste et transparent à destination des exclus du système bancaire. Certains vous diront que l’idée m’est venue parce que j’ai moi-même été interdit bancaire… »

Jamais dans le rouge

Compte Nickel a trouvé un public, séduit par la simplicité du service. Une ouverture de compte en quelques minutes, des opérations effectives en temps réel, pas de découvert autorisé, pas de frais de rejet. « Quand vous avez un prélèvement qui tombe, précise Céline, 34ans, à la recherche d’un emploi, que vous êtes un peu juste, vous êtes alerté par SMS, on peut suivre sur Internet, les virements sont immédiats, on sait où on en est… » Jamais dans le rouge, de fait.

Steeve, 40 ans, a connu l’engrenage : « Un licenciement, le loyer et tout le reste à payer, les Assedic qui ne tombent pas tout de suite… je me suis retrouvé fiché. » Converti depuis au Compte Nickel, « la banque des pauvres », pour éviter les mauvaises surprises: « Pour 9 € d’assurance, une banque m’a déjà pris 25€ de frais de rejet… Quand on est sur Compte Nickel, si t’as pas de sous, on ne t’en prend pas. Je m’en sers pour les prélèvements EDF, SFR, pour les achats sur Internet aussi. J’ai encore à côté un compte-service à 3 ou 4€ dans une banque classique, mais je pourrais m’en passer. Je n’ai pas besoin d’un découvert autorisé, le découvert faut savoir le rembourser, le découvert c’est vivre avec de l’argent que t’as pas. »

Benoît, pâtissier, 30 ans, n’est pas de cet avis: « Le Compte Nickel, je l’utilise pour mettre de l’argent de côté ; je viens justement déposer 45€ que j’ai eu à Noël. Mais je ne quitterai pas mon autre banque car j’ai besoin de savoir que j’ai le droit à un découvert, si jamais j’ai un problème, une panne de voiture… pour moi c’est une sécurité, on ne sait jamais. »

En France, les clients de Compte Nickel seraient à 30 % des personnes sans emploi, à 60 % des salariés, des artisans, des commerçants et des libéraux. « Dans la région Nord – Pas-de-Calais, c’est plutôt du 50-50 », poursuit Ryad Boulanouar. Au total un peu moins de 11000 clients. Pas de quoi inquiéter les banques, qui veillent de loin pour l’instant. « Compte nickel répond à une demande bien spécifique et différente de la nôtre, commente Gonzague Mannessiez, de la Caisse d’épargne. Les offres et services que nous proposons ne sont absolument pas comparables. Nous, nous axons notre service sur l’accompagnement, la qualité d’écoute, l’expertise en matière de crédit, d’épargne… Ce service a minima, ce n’est pas notre mission. Mais, bien sûr, on regarde ce qui se fait. »